Le Réseau des musiques du monde

13-14 - « Philharmonie de Paris »

Vendredi 6 décembre 2013 - Pavillon Carré de Baudoin – Paris 20ème

En présence de : Laurent Bayle, directeur général de la Philharmonie de Paris Birgit Ellinghaus, directrice d’alba Kultur Allemagne, et responsable de la programmation « musiques du monde » à la Philharmonie de Berlin Modération : Fabienne Bidou

Pourquoi Philharmonie ? Qu’est-ceque cela recouvre comme réalité ?

Laurent Bayle : Il n’y a pas unedéfinition exacte du mot philharmonie, mais une multitude. Si l’on part desorigines anciennes, « amour de la musique », selon l’expérienceinternationale, cela décrit un équipement, un espace qui est centré sur lesexigences des répertoires et des orchestres symphoniques. C’est la définitionde départ de la Philharmonie de Berlin par exemple.

Mais la Philharmonie de Paris, ne secomprend que si l’on revient au départ sur la Cité de la Musique.

Présentation de la Cité de la Musiqueet de ses enjeux.

C’est un lieu que s’inscrit dans unterritoire mixte, qui a plus de sens au regard du Grand Paris, qu’au regard desusages traditionnels des concerts.

Au niveau des concerts, le public estreprésenté par 70 % de parisiens intra-muros, 20 à 25 % de personneshabitants l’Ile de France, et 5 % de nationaux et internationaux. De plusc’est un public venant des classes sociales favorisées avec une moyenne d’âge plutôtâgée, avec une sous-représentation des 18-30ans. C’est pourquoi La Cité de laMusique s’est implantée à la Villette, ce qui montre un effort de rééquilibragede la vie musicale.

La Cité de la Musique n’est pas unesalle de concert, à proprement parler, ce qui la distingue des salles deconcert parisiennes et des autres philharmonies dans le monde qui sont une ouplusieurs salles de concert. Le but était de placer le concert dans undispositif plus large, afin de capter des nouveaux publics, de mettre en avantl’éducation artistique avec beaucoup de projets pédagogiques, beaucoup detravail par la pratique collective, avec également des expositions temporairescomme dans les musées.

La Cité de la Musique est d’abord unecolonne vertébrale historique qui va de la fin du Moyen-Âge au contemporain quiconcerne le chant classique. Cette colonne est mise en confrontation avec desexpressions de chants plus actuels (pop) ou des chants tels que le Jazz et laMusique du Monde. Le projet éducatif est quant à lui basé sur des modèlesd’appropriations et de pratiques collectives qui prennent leurs sources dansdes cultures non européennes comme les percussions par exemple…

La Cité de la Musique représente doncune culture patrimoniale européenne classique et en même temps est ouverte aumonde et aux techniques musicales extérieures, sans but commercial.

La cité de la Musique a une salle de250 places et une autre de 900 places. Une salle de plus grande capacitéd’environ 2 000 places aurait dû être construite, mais ce projet n’ajamais abouti.

La Philharmonie de Paris s’est doncnaturellement implantée à la Cité de la Musique, permettant d’avoir une salleaux formes contemporaines, sur un lieu de transmission générationnelle, pouvantrecevoir 2 400 personnes.

Le nom Cité de la Musique va être amenéà disparaître, afin de n’avoir plus qu’un seul nom, la Cité et la Philharmoniene feront qu’un, un grand complexe de 3 salles, une de 250 places, une de 900places et une dernière de 2 400 places, de même type que Berlin.

Cette grande salle dédiée à l’acoustiquenon amplifiée, avec une scène centrale, est modulable afin de faire disparaîtreles niches de publics à l’arrière et ainsi avoir un public frontal seulement.De ce fait, cette salle pourra accueillir des orchestres philharmoniques maisaussi des concerts de Jazz, ou de musiques du Monde avec amplifications.

L’ouverture de la Philharmonie de Parisest prévue pour janvier 2015.

Interlocutrice : Birgit, quepensez-vous de ce projet ? Comment cela se passe à Berlin ?

Birgit pense que c’est une chancede pouvoir créer à partir de la Cité de la Musique une unité, et de plus depouvoir adapter l’architecture aux musiques du XXIe siècle, cequi fait une différence avec ce que l’on retrouve en Allemagne. Lesphilharmonies de Berlin (2 salles 1 100 et 2 450 personnes) ouCologne (1 salle), avec lesquels elle travaille, offrent des sallesexclusivement conçues pour de la musique classique, il n’a même pas étéenvisagé au moment de leur construction qu’un autre style musical pouvait êtreprésenté dans ces salles. Ce n’est donc pas toujours évident de faire laprogrammation que ce soit acoustiquement ou artistiquement. À Berlin, lesmusiques du monde sont uniquement présentées dans la petite salle.

Par contre, à Cologne, il y a tout prochede la philharmonie 2 salles de la WDR (radio publique) et 2 salles auconservatoire pouvant recevoir des orchestres symphoniques. De ce fait, sous leLabel Philharmonie de Cologne, certaines représentations qui ne sont pasjouables dans la grande salle de Cologne se font dans les salles despartenaires WDR et Conservatoire. Un jour le public peut être accueilli dans lasalle du Conservatoire et le lendemain dans la grande de la Philharmonie. Lamême chose se passe à Berlin par exemple pour les ateliers éducatifs.

La Philharmonie de Berlin s’engage danstous les concerts qu’elle propose. La programmation pour un concert Musique duMonde sera tout aussi travaillée (texte profond par des auteurs engagés,introduction, explication pour faire découvrir cette musique à un public nonassidu), et chargée qu’une programmation d’un orchestre philharmonique dans lagrande salle.

Interlocutrice : En retour, cettesérie de programmation Musique du Monde amène des échanges entre les musiciensde l’orchestre et ces musiciens d’autres cultures ?

Cela fait maintenant 4 ans que laMusique du Monde est présentée à Berlin, au début ce n’était pas évident auniveau des échanges et du travail en commun entre des univers bien différentset des instruments différents. Mais à force de travail et d’échange,l’orchestre est généralement ravi d’avoir eu a travaillé avec un nouveau stylemusical.

Les concerts Musique du Monde à Berlinsont un grand succès, et la Philharmonie de Berlin est très fière d’être la 1reà avoir fait ce projet-là, ce projet ne risque pas d’être abandonné même aprèsle départ de Simon RATLLE, qui n’aura pas lieu avant 2018.

L’on peut se demander si la création dela Philharmonie de Paris ne va pas créer un déséquilibre par rapport aux autresvilles françaises, et également un déséquilibre budgétaire, au vu des moyensqui vont être utilisés dans l’investissement et dans le fonctionnement pour une jauge musicale réduite.

Comme rappelle Laurent Bayle,l’investissement public dans les Philharmonies en Allemagne est supérieur àcelui effectué en France, il y a 4 fois plus de grands orchestres subventionnés en Allemagne qu’en France.

La Philharmonie de Paris va se mettre également au service des villes comme Toulouse ou Lyon afin de transmettre un savoir, ou une méthodologie nouvelle,« former leur formateur » à toutes villes qui en feront la demande. De plus, la Cité de la Musique transmet ses musiques à toutes les bibliothèques conservatoires régionales.

La Philharmonie n’est pas hors sol,elle est ouverte à tout partenariat avec des associations de Seine Saint Denis,du 19ème, du 20ème ou autres.

Sur la 1re saison, la Philharmonie de Paris a pour idée de faire les tarifs habituels, et concerts habituels, classiques, huppés sur la semaine, et sur les week-ends, casser le sprix, jouer sur la transversalité des 3 salles, faire des week-ends événementiels(par exemple un thème de l’Inde) avec des plages horaires à 11h ou 16h par exemple.

Quelques questions :

Claude FONFREDE de l’ADAMI :Seriez-vous prêts à travailler avec l’ADAMI (jeunes talents classiques, talentsjazz, musique du monde) ?

Oui pourquoi pas.

Laurence CRENN : À partir dequand vous programmez ? et à qui doit-on s’adresser pour faire despropositions artistiques ?

On ouvre en janvier 2015, laprogrammation de janvier à juin 2015 est déjà remplie, actuellement on estsur la programmation 2015/2016. Et la personne à contacter est le directeur deproduction Emmanuel HONDRE, joignable par mail[email protected] afin de luisoumettre les projets.

Benjamin De MELMESTER (chargé deproduction de Festival de St Denis), que va devenir la salle Pleyel ?

Pleyel a été acheté 60 millions,sans argent, à l’heure actuelle, les bureaux loués rapportent 1,5 à 2 millionspar an, qui rembourse chaque année un peu l’achat de cette salle. Aprèsl’ouverture de la Philharmonie, il y aura un appel d’offres de lancé pourPleyel, avec interdiction de faire un certain nombre de formes musicales tellesque de l’acoustique ou du classique, interdiction d’inviter les orchestres, etle groupe qui remportera l’appel d’offres devra verser une redevance annuelle,qui servira à rembourser les 60 millions. Ces derniers seront donc amortisen une vingtaine d’années sans le moindre recours à l’argent public.

Et aucune subvention ne sera faite à Pleyel. La subvention de Pleyel sera versée à la Philharmonie dorénavant.