Le Réseau des musiques du monde

13-14 - « La place de ladiversité musicale dans les politiques municipales »

Jeudi 13 mars 2014

Studio de l’Ermitage – Paris 20ème

Table ronde organisée en partenariat avec le rif

AnneQuentin, journaliste (modérateur)

Bonjour, je vais animer ces deux heures.Je propose un temps au cours duquel l’ensemble des candidats puissents’exprimer au sujet de la diversité musicale dans le champ communal, et sur lamanière dont ils souhaitent s’emparer de ce sujet, en ambition comme enprogramme. En France, d’un point de vue politique, la question de la diversitéest compliquée, car elle entre en conflit avec une conception trèsuniversaliste de la République. Pourtant, à l’heure de la mondialisation et deséchanges, des questions d’inter culturalité peuvent se poser afin de penserdavantage les perméabilités culturelles pour une société qui pourraient enfinêtre vécue comme un ensemble interactif de toutes les composantes communautairesqui la constituent. C’est ce que propose la Convention de l’Unesco de 2005 autravers de la « promotion de la diversité des expressionsculturelles », laquelle s’exerce ici et maintenant sur notre sol, et nonuniquement à l’extérieur du pays pour défendre des enjeux industriels face auxaméricains. Nous allons tenter de décrypter cela avec nos invités, afin de voirquelle est la responsabilité des collectivités locales dans l’animation etl’accompagnement de cette diversité culturelle, comme nous l’a proposé ZoneFranche dans le débat de ce matin.

Présentation des invitéspar Anne Quentin :

Déborah Münzer, metteur en scène, productrice, secrétairenationale UMP, vice-présidente de la FNCC, maire adjointe à la culture deNogent-sur-Marne.

Olivier Thomas, maire socialiste de Marcoussis, conseillerrégional Ile-de-France, membre du conseil national du PS, a repris le chantierdu Centre National de la Musique afin d’en faire un outil de la diversitéculturelle.

Frédéric Hocquard, secrétaire national du Parti Socialiste,candidat dans le 20ème arrondissement de Paris, a dirigéConfluences, président du Réseau Actes-If et directeur d’ARCADI.

Eric Thébault, réalisateur de documentaire engagé auprèsd’Europe Ecologie les Verts, dans le 19ème arrondissement de Paris.

Enpréambule, Anne Quentin invite lesparticipants à s’exprimer sur ce qu’évoque pour eux, en terme politiqueculturelle, le mot « diversité ».

Olivier Thomas

Bonjourà tous. Dans le champ culturel, la diversité me semble l’essence même de laculture : l’ouverture à l’autre, l’échange, le partage. Je n’imagine pasde politique culturelle qui soit « anti diverse », car la seulepossibilité d’échange culturel se fait par l’autre. Ensuite, il existe« des diversités », et si l’on veut focaliser davantage sur lesquestions de musique, il y a la diversité des musiques du monde, laquelle estelle-même une diversité à l’intérieur de l’apprentissage et de la diffusion dela musique dans notre pays. Je pense que notre rôle d’élu est de faire vivre cetimportant enjeu. Car, mener une politique culturelle consiste à répondre à lafois à une demande des habitants (lesquels ont besoin de cette diversité) etd’insuffler des choses, de dynamiser et de donner une ligne. Il est donc denotre devoir d’ouvrir et de former les jeunes et des moins jeunes à desmusiques diverses, afin que ce melting pot existe.

Déborah Münzer

Je suis d’accord avec ce qui vient d’être ditsur la diversité culturelle. Je pense que personne n’envisage véritablement unepolitique culturelle non diverse, spécifiquement en musique. Au niveau local,sur cette campagne des municipales, j’ai, à titre personnel, ouvert une scènede musiques actuelles à Nogent en 2008, afin de promouvoir ce type d’écoute. Eneffet, je pense qu’il faut privilégier une diversité des écoutes. Car, le faitque l’on puisse écouter tout type de musique n’a rien à voir avec l’origine dechacun, l’assimilation, l’intégration, etc., et je crois que l’on peut êtrerépublicain et soutenir la diversité musicale dans nos villes et pour nosterritoires. En tant que vice-présidente de la FNCC (Fédération Nationale desCollectivités pour la Culture réunissant les élus à la culture de tous lesbords politiques), il me semble important de ne pas rester uniquement surParis, et à cet égard, nous œuvrons beaucoup pour tout type de territoire dansle pays.

FrédéricHocquard

La question de la diversité se joue, à mon avis,à trois endroits : la diversité sociale, la diversité d’origine et ladiversité des esthétiques produites. La diversité est l’essence même de laculture, mais je pense qu’elle n’existe pas naturellement dans notre société.En effet, nous sommes dans un système économique qui produit de lanormalisation et non de la diversité. La question de la diversité est donc liéeà la question des politiques publiques, afin de maintenir, soutenir etpermettre qu’existent ces diversités.

EricThébault

Je viens du collectif d’artiste « LaGénérale » (11ème arrondissement de Paris), et, à ce titre,j’ai eu l’occasion de solliciter les politiques sur des questions definancements et d’ambitions pour la culture, questions auxquelles je n’avaispas toujours de réponse. Aujourd’hui, les personnes de cette tribunes’intéressent à la diversité culturelle. Mais, le monde politique ne s’intéressepas à la culture, car les français ne s’y intéressent pas beaucoup. Unimportant travail reste donc à faire pour expliquer aux politiques l’importanced’investir dans la culture, laquelle permettrait de redynamiser le territoire.

AnneQuentin

Déborah Münzer, si l’on parle de l’expression del’UMP, le programme culturel de Paris de Nathalie Kosciusko-Morizet serésume comme suit : le patrimoine, la création d’une fondation (pourfinancer la création), une politique se voulant davantage tournée vers lademande et moins systématiquement vers l’offre, la création de zones franches,la dotation d’un pôle de Musiques Actuelles, tout cela ayant pour but de« réveiller la culture à Paris » (slogan de la campagne). Plusdirectement, Paris étant sans doute l’une des villes les plus métissées deFrance, comment envisagez-vous de prendre en compte toutes ces cultures ?

DéborahMünzer

En premier lieu, l’idée maîtresse de cespropositions part du constat que, dans une ville comme Paris, la culture esttrop institutionnalisée. En effet, la culture étant diverse, nous refusonsl’idée qu’elle soit « le fait du prince » et qu’elle doive être faitepar la marie de Paris. A ce titre, nous recherchons des idées pour qu’elle soitjustement faite par les gens (parisiens ou non), afin que la marie de Paris nesoit plus dans le rôle du « faire », mais dans celui du « fairefaire ». Il ne s’agit donc pas de passer de l’offre à la demande, maisdavantage de passer de l’offre aux opportunités. Effectivement, nousquitterions une politique de l’offre et des grands équipements quelque peudidactiques, pour une politique culturelle d’opportunités, afin que lesparisiens puissent faire davantage, avec le même argent, que lorsque la marieest elle-même organisatrice, à savoir : faire confiance auxprofessionnels, développer des actions avec les amateurs et encourager leslibres expressions dans les petits lieux (squats…). La diversité est au cœur detout cela. Nous voulons une prise en compte de la diversité, non uniquementd’un point de vue des origines, des gens ou des cultures en termesidentitaires, mais également du point de vue de la diversité en termes deformes esthétiques et de modèles de développement (taille et forme de lieuxplus alternatifs). Sur un territoire donné, il faut laisser émerger ce qui doitl’être, et ce n’est pas à la ville de décider.

AnneQuentin

Nous savons qu’il existe à Parisd’importants lieux très dotés. Concrètement, comment faites-vous pour laissercette émergence s’exprimer ? Enlevez-vous des moyens aux gros lieux ?

DéborahMünzer

Non. Si des moyens sont à enlever, ils leseront sur les choses éphémères et événementielles et non sur les gros lieux.Il s’agit de la réallocation de certaines dépenses qui devraient être financéespar le privé et qui ne font pas partie de la politique culturelle d’une villecomme Paris. Mais la réponse sur la manière de « faire émerger »réside davantage dans les zones franches. Notre but est de redonner du foncierà Paris, afin qu’il soit possible d’avoir des espaces de création (tunnels duBaron Leroy, dans le 12ème, studios, salles, etc.).

FrédéricHocquard

Je ne suis pas d’accord. La question dela diversité existe lorsqu’il y a un soutien en termes de politique publique.Le débat de fond est de ne pas renvoyer la question de la diversité à desfondations privées ou à des zones franches, mais de savoir si, dans le domainedes musiques actuelles de diversité, ces questions sont soutenues par lapuissance publique. Il faut donc rester très vigilant d’un point de vuefinancier. Par ailleurs, il me semble important de ne pas cantonner l’action àdes endroits spécifiques. A Paris, la diversité existe partout, et pour lafaire exister, il faut venir à la fois sur des éléments importants(institutionnels, etc.) et sur des lieux intermédiaires, plus petits. A titred’exemple, les difficultés actuelles de Confluences sont dues à un manque desoutien de la ville de Paris, et au fait que l’état ne met pas assez d’argent.Il est donc important d’articuler une politique de cette nature, et les débatsposés aujourd’hui sont les suivants : comment pouvons-nous avoir deslieux de travail pour les artistes ? Comment fabrique-t-on de laculture à Paris ? Comment la question de la diffusion est-elletravaillée ? Comment la question de la concertation avec les acteursest-elle posée ? Ces questions doivent-être posées si l’on veut continuerà faire exister de la diversité sur Paris.

OlivierThomas

Je pense qu’il ne faut pas opposer le« faire » au « faire faire ». Les deux sontcomplémentaires, car le fait qu’une commune « fasse » n’empêche pasle fait qu’elle puisse aider d’autres associations ou intervenants à faire. Levrai combat est qu’il faut davantage de culture. Ainsi, au lieu de répartirdifféremment les budgets de la culture, je pense qu’il faut les augmenter. Ladiversité est garantie par les impulsions politiques, et d’un autre côté, il fauts’appuyer sur ce qui émerge sur le terrain.

AnneQuentin

Eric Thébault, comment entendez-vous cet écartmanifeste par rapport à la culture, à savoir, côté socialiste, renforcerl’action publique, et côté UMP, laisser l’initiative privée prendre davantagede place ?

EricThébault

Compte tenu du bilan de la droite parisienne, jedoute qu’elle ne soutienne réellement l’émergence des squats. Par rapport auxsocialistes, la première mandature 2001-2008 de Delanoë a été relativementdynamique : doublement des budgets de la culture, place donnée aux lieuxintermédiaires, investissements, conventionnements de squats. Mais, à partir de2008, ce dynamisme a disparu de la gestion de la culture à Paris : seulsdes gros équipements ont été gérés, au détriment des lieux intermédiaires dontpersonne ne s’est occupé, ce qui a entrainé la disparition de la diversité. Parailleurs, la question de « faire » ou « faire faire » estintéressante. La puissance publique a la nécessité d’investir dans des chosesqui émergent, mais le problème est qu’aujourd’hui, le PS confond un soutienbudgétaire avec un soutien de la programmation. Or, lorsqu’un lieu est tenu parle budget, il l’est également sur la programmation. Il est compliqué dedéconnecter le soutien financier du soutien éditorial, mais je pense que l’on abesoin de décorréler les politiques des lieux : les politiques doiventimpulser une politique culturelle, mais parallèlement, des interventions onttrop souvent eut lieu.

FrédéricHocquard

J’entends les critiques sur 2008-2012 (il existemalgré tout un renouveau des squats dans l’Est parisien). Mais, je ne suis pasd’accord sur le fait que la baisse du dynamisme aurait fait disparaître ladiversité au niveau parisien. Par ailleurs, concernant les financements publicsqui impliqueraient un regard sur la programmation, je pense que cela est assezrare, particulièrement à Paris, et je ne connais pas de lieux bénéficiant desubventions publiques où il existerait une intervention éditoriale.

EricThébault

Je vais préciser. Je pensais, parexemple, aux demandes récurrentes de faire de l’action culturelle à desartistes non formés pour cela, mais contraints d’accepter « pour entrerdans le cadre ». Par ailleurs, plusieurs d’entre nous avaient nous avaientété surpris que le directeur du Théâtre du Rond Point ait été en résidence au104.

AnneQuentin

Frédéric Hocquard pointait très justement ladifficulté de penser une politique municipale non articulée sur des enjeux plusnationaux, notamment en matière culturelle dont nous savons que lesfinancements sont essentiellement des financements croisés. Olivier Thomas,concernant le Centre National de la Musique, comment et pourquoi souhaitez-vousen faire un lieu de diversité culturelle ?

OlivierThomas

Encore une fois, je ne fais pasd’opposition entre une action impulsée par la municipalité et une autre quiviendrait du terrain. Mon idée est d’ouvrir les locaux le plus possible, touten ayant une volonté politique, qu’elle soit nationale, régionale,départementale ou municipale. C’est ce que je proposais sur ce Centre National,lequel devrait être un lieu de diversité pris en charge par la puissancepublique (diversité de professeurs, diversité d’esthétiques). De plus, ildevrait y avoir davantage de studios d’enregistrements, d’endroits derépétitions, de lieux. Par ailleurs, je pense que les musiques actuelles sontfondamentales dans les questions de formations. Cela est insuffisamment pris encompte par les municipalités, et je suis en désaccord sur le fait de laisser lesecteur privé ou associatif s’occuper de cette question.

DéborahMünzer

Je suis d’accord pour ne pas opposer le« faire » et le « faire faire » à Nogent-sur-Marne, àMarcoussis ou à Paris dans quelques années. Mais, la rédaction du programmeculturel à Paris s’est basée sur l’analyse d’une situation existante, oùl’intervention politicienne était trop importante dans certains lieux. Labaisse du dynamisme du deuxième manda est due à cette dérive.

AnneQuentin

Comment cette diversité est-elle favorisée dansdes budgets contraints ?

FrédéricHocquard

Je souhaiterais revenir sur trois choses.Premièrement, la question de l’ouverture et de la labellisation desconservatoires est fondamentale. Deuxièmement, au sens juridique du terme, laquestion de la métropole est importante. Effet, sur la question des musiquesactuelles, dans le cadre du développement, il faut parvenir à faire circulerles artistes et à dépasser les barrières administratives existantes sur leterritoire.

AnneQuentin

Les enjeux culturels de la métropole sontdifficiles à comprendre.

FrédéricHocquard

Le volet culturel existant sur la question de« Paris métropole » doit être travaillé et développé sur plusieursaspects : la circulation des artistes, le caractère métropolitain deséquipements existants sur le territoire, la mise en synergie des différentsréseaux pouvant exister. Par rapport à la question des musiques actuelles, untravail de réflexion doit être mené sur ces différents points. Troisièmement,la question de l’offre artistique nocturne est un sujet important, àsavoir : comment les lieux sont-ils aidés pour pouvoir répondre aux normesvis-à-vis des questions de nuisances ? Il s’agit de questions centralespar rapport aux musiques actuelles.

AnneQuentin

Vous ne répondez pas à question des moyens.

FrédéricHocquard

Surles moyens, il faut, au minima, garder les budgets, et je pense que lesfinancements publics devraient être plus importants vis-à-vis de la culture.Cela signifie qu’il faut s’interroger sur la question de la métropoleculturelle par rapport au croisement des financements publics. Car aujourd’hui,il existe très peu de concertation entre les différents acteurs de l’actionpublique au niveau de l’Ile-de-France. De plus, il conviendrait également des’interroger sur l’aménagement culturel du territoire et du croisement. Enmusique actuelle, cela s’appelle un « Solima ».

AnneQuentin

L’autre façon de penser les choses seraitd’imaginer un meilleur partage des outils existants, à savoir l’accueil demusiques plus populaires par la Philharmonie ou l’Opéra, sans qu’uneaugmentation de budget n’ait lieu. Cela serait-il envisageable ?

Questions de la salle : Un participant : Jevoudrais dire que la question des conservatoires me semble extrêmementimportante. Des investissements seront nécessaires vis-à-vis de certainsconservatoires en difficulté, mais la question de l’organisation et de laréforme générale de l’enseignement se pose en effet à Paris. Par ailleurs,concernant la diversité à Paris, la question de la nuit et des riverains sepose pour les musiques du monde, comme pour d’autres musiques. En effet, il estfondamental d’investir dans l’insonorisation des bâtiments, afin de rendrepossible la cohabitation.

Fabienne Bidou

Mercid’avoir répondu à notre invitation. Lorsque l’on pose politiquement le sujet dela diversité musicale, un évitement du sujet est constaté. En tant qu’acteursde musiques diverses, nous souhaitons vous interroger sur du concret :dans l’hypothèse d’une baisse ou d’une augmentation des budgets, comment ceux-ciseront-ils au service de la diversité musicale ? Quelles institutionsmusicales seront le reflet de la diversité musicale de demain ? Caraujourd’hui, ce n’est pas le cas.

Propositions desintervenants.

Eric Thiébaut

Lesdeux propositions simples à vous soumettre sont les suivantes :

Concernantla question de la résidence des artistes, le fait de faire venir des artistes àParis étant extrêmement coûteux, la puissance publique pourrait (sur appelsd’offres) mettre des centaines de places d’hébergement de qualité sur Paris àla disposition des lieux (appartements en diffus), ce qui pourrait allégerconcrètement des productions. Par ailleurs, concernant la question des visastemporaires, la ville doit peser pour que des visas soient accordés auxartistes invités venant travailler (jumelages, réseaux…) ; en effet, fautede visas, de nombreux invités ne viennent pas et des productions sont annulées.

Frédéric Hocquard

Concrètement, la question de l’ouverture delieux de travail se pose pour les artistes. Ainsi, à la Bellevilloise, laproposition d’une extension est faite afin de permettre de nouveaux lieux derépétitions. Une priorité doit donc être donnée sur les lieux de travail, pourles artistes. Concernant les capacités de fabrication, outre le Mila dans le 18èmearrondissement, l’idée est qu’il existe d’autres petits labels afin d’offrirdes endroits de partage, de mutualisation de bureaux mis à disposition. Parailleurs, un lieu consacré aux musiques urbaines (hip hop) ouvrira dans lecadre de la rénovation du Forum des Halles. Sur la question de la diffusion, ilfaut mettre en place des éléments de priorisation à travers les lieux quiseront soutenus, afin de favoriser l’émergence artistique. Par rapport auxinstitutions existantes, un sujet devra être posé sur la question de laPhilharmonie : la Philharmonie est-elle un équipement au cœur d’unemétropole reflétant l’aspect diverse sur cette question ?

Déborah Münzer

Lestrois propositions de Nathalie Kosciusko-Morizet sont lessuivantes :

Concernantle patrimoine bâti, il existe des lieux de spectacles et de création qui ontété délaissés, lesquels, avec les normes techniques d’accueil du public,d’hygiène, etc., sont souvent contraints de fermer. Nous souhaitons donc aideren priorité les petits lieux existants dans les quartiers. Par ailleurs,vis-à-vis de la création, de la diffusion et de la nuit, les tunnels du BaronLeroy représentent ce que nous souhaitons faire pour les musiques actuelles. Deplus, nous voulons également donner les clés des parcs et jardins aux labelsindépendants et aux artistes au vu d’un festival à la fin de l’été ; lapuissance publique accompagnera ce festival mais n’interviendra pas dans laprogrammation. Enfin, je suis en accord sur la question des visas des artistes.

Questions de la salle :

Sébastien Lab,directeur du Hangar 23, théâtre de la ville de Rouen

Nousfaisons partis de Zone Franche, un réseau de musiques du monde. Je pense qu’ilexiste une confusion avec les musiques du monde et les musiques actuelles. Eneffet, ces dernières sont un réseau très structuré (SMAC, zéniths, lieuxconventionnés, etc.), dont les artistes ont une visibilité assez importante,contrairement aux musiques du monde avec lesquelles nous sommes davantage surdes registres de découverte. L’enjeu de développement est de se réapproprierles territoires des musiques du monde dans les politiques publiques, notammentpour ceux qui sont préoccupés d’un certain communautarisme en France. De plus,les musiques du monde auraient intérêt à aller dans les villages où il n’y aparfois aucune diversité visible. Par ailleurs, au vu d’une bonne politiqueculturelle, je pense important que les élus aime la culture.

Une participante

Jesuis très intéressée par la démarche d’Olivier Thomas, car je travaille surl’école des musiques actuelles Atla à Pigalle. Au cours des nombreuxd’entretiens menés auprès des élèves, ceux-ci m’ont expliqué que le coût d’uncours de chant individuel de deux heures par semaine sur une année s’élevait à1 500 euros ; mais, en dépit de ce coût, la plupart des élèves,marqués par de mauvaises expériences en conservatoire, ont choisi cette écoleen raison de sa qualité. Cela m’interroge vis-à-vis d’une population de jeunesnon nantis, dont le choix se porte sur une école onéreuse plutôt que sur unconservatoire au coût moindre.

David Langlois Malet, journaliste

Je suis activiste sur les questions de libertéculturelle à Paris, autour des trois axes suivants : l’indépendance despetits lieux, des bars culturels et de la rue. A ce titre, je m’interroge surla question du terreau (la ville, les habitants, etc.) et sur la loi Voynet,loi liberticide vis-à-vis de la liberté culturelle à Paris, la plainte d’uneseule personne étant en effet suffisante pour interdire un concert dans un bar.Serait-il possible d’aborder ce problème, de même que la question de la musiquedans la rue, où les artistes sont sanctionnés par des PV pour chanter sur lesbords de rues ? Cela est-il normal ? Est-ce l’esprit de Paris ?Il s’agit d’une question de vie, de « ville vivante » ou de« ville morte ». En effet, parallèlement à la constructiond’équipements où personne de se rend (le Carré Baudoin), nous assistons àl’expulsion d’un squat où 300 artistes travaillaient (le Bloc). Pourquoi ceslieux morts pour la culture officielle ? Pourquoi ces expulsions de lieuxvivants ? Après douze années d’interdictions diverses de la culture,pourquoi cela changerait-il, dans la mesure où Anne Hidalgo a annoncé qu’ellereprendrait le bilan et qu’elle l’assumerait ? Nous sommes nombreux àrefuser cela : nous nous intéressons davantage à d’autres propositionsvenant de l’extérieur et qui pourraient redonner un peu de souffle, même sielles paraissent un peu hétérodoxes.

Claude Fondrède, élu auconseil d’administration de l’Adami

Quellesera la place des Musiques du Monde au CNM ? L’Adami n’a pas refusé leCNM, car l’idée pouvait être intéressante, mais a refusé le CNM de Sarkozy etde Pascal Nègre. Je pose la question à Olivier Thomas.

Marie-José Salabert, directrice adjointe du Centre d’Informations et de Ressources desMusiques Actuelles

Jesouhaite faire une mise au point historique. Le concept « musiquesactuelles » est né dans les années 1994 à une époque où le Ministère de laCulture avait un problème avec des centres d’information jazz et musiquestraditionnelles, et un centre d’information rock qui n’avait pas de lieu.L’Etat a donc demandé au centre d’information rock de s’élargir et de faireentrer les musiques traditionnelles et le jazz dans un grand centre d’informations.L’objectif était de représenter toute la diversité au niveau de cette ressourceet de structurer le secteur autour de toutes ces esthétiques (réseaux,fédérations, syndicats, etc.). Cependant, le nom « musiquesactuelles » est issu d’une frilosité de l’époque qui aurait simplement dûdire « musiques populaires ». En effet, les musiquesactuelles comprennent la variété, les musiques du monde, le jazz, etc., àsavoir tout ce qui est en dehors de la musique classique. Toutes cesproblématiques sont celles des conservatoires, lesquels sont, pour la plupart,fermés aux musiques actuelles, aux musiques populaires, etc. Par ailleurs, lesSolima (schémas d’organisation) sont issus des concertations territoriales etd’un travail fait à la demande du ministre Donnedieu de Vabres, afin detravailler et ensemble et continuer cette diversité.

Anne Quentin

J’ainoté plusieurs questions : la question de la légitimité de ces musiquespar rapport à des musiques savantes (question centrale par rapport à la diversitéculturelle), la place des musiques du monde dans ces musiques actuelles, laquestion de la nuit avec la révision de la loi Voynet, et la question du coûtdes conservatoires.

Olivier Thomas

Concernantles tarifs des conservatoires ou les écoles, lorsqu’il s’agit de structuresmunicipales, il existe un taux de participation (quotient familial),permettant, selon les revenus, l’accès à divers cours de qualité. Or, uneassociation ne permet pas cette diversité de tarifs. Par rapport aux« musiques du monde » ou aux « musiques actuelles », lesdénominations sont complexes à trouver (en tant que musique créée et pratiquéeaujourd’hui, la musique classique est une musique actuelle), mais au-delà desétiquettes, l’important est que toutes les esthétiques et que toute lesdiversités puisse être apprises, diffusées et que leur création soit aidée. Jepense que ces trois axes sont à travailler. De plus, je confirme l’importancedu choix des adjoints à la culture, lesquels doivent l’aimer et avoir du poidspolitique dans les équipes municipales.

Déborah Münzer

Je suis d’accord vis-à-vis de l’importance dupoids des élus. Par ailleurs, une proposition me semble importante par rapportau 104 : sur des périodes données, nous souhaitons ouvrir davantage le 104aux établissements ou aux artistes étrangers, l’objectif étant d’ouvrir un lieuà Paris sur le monde et sur des programmations diverses (différentesdisciplines, non spécifiquement musicales).

Anne Quentin

Pourrevenir aux musiques du monde, si vous aviez une proposition ou un engagementmunicipal à faire sur ce terrain, quel serait-il ? FrédéricHocquard ?

Frédéric Hocquard

Il m’est compliqué decloisonner « musiques du monde », « musiques populaires »,ou « musiques traditionnelles ». En termes de proposition, je croisque le plus important est le soutien et la reconnaissance de cette diversitémusicale prise en compte par l’action publique. De plus, outre les politiquesculturelles, la politique dans le domaine de la jeunesse est très importante.En effet, « Paris Jeunes Talents », vecteur en termes de projetsmusicaux entre autres (théâtre…), travaille dans le domaine de l’émergence etsur la contribution à cette diversité. Par ailleurs, la circulation desartistes étrangers est problématique : la diversité culturelle à Parisexiste grâce à ses liens avec l’histoire de ce pays et un vrai travail doitêtre mené sur ce sujet. Les points à développer sont donc la question de l’artdans l’espace public, la question de la diversité et le soutien à cettepluralité pouvant exister.

Eric Tiébaut

J’entendsle souhait que nous débattions précisément de la diversité musicale desmusiques du monde. Mais, depuis les années 90, il existe une relativeintégration des musiques du monde dans le circuit musical. Je suis d’accordavec Frédéric Hocquard sur la difficulté de segmenter les musiques du monde. Atitre d’exemple, le problème de la nuit est une question qui touche tout lemonde. Par rapport à la question des conventions d’occupation temporaire deslieux, il existe, à Paris, de nombreux lieux qui restent vides pendant desannées, ce qui n’est pas supportable compte tenu de la pression immobilière etdes besoins. J’ai conscience de ne pas répondre précisément sur les musiques dumonde, mais cela favoriserait toutes les activités culturelles. Nous devonspouvoir occuper ces lieux et trouver des associations qui s’en occupent.

Question de la salle :

Eric Garandeau

Je souhaite faire davantage un témoignage quedes propositions. Le concept de « diversité musicale » est si largeque les réponses ont tendance à l’être également. En 2002, je me suis occupé depolitique musicale, et le constat fut que l’essentiel des moyens étaientconcentrés sur des institutions permanentes (les orchestres) qui jouaient unrépertoire assez réduit (musique symphonique des 18 et 19ème). Notreobjectif était de soutenir les ensembles non permanents, car tout le dynamismemusical reposait sur de nouvelles structures qui traitaient à la fois de jazz,de musiques contemporaines, de musiques du monde et traditionnelles, c'est-à-direde toute cette diversité esthétique. Je me suis ensuite occupé de cinéma,domaine où la diversité est également un concept très fort. Une des façonsd’exercer cette diversité a été de créer, il y a deux ans, une commission« d’aide aux cinémas du monde », dont les décisions sont prises parles artistes professionnels. En effet, pour soutenir l’excellence dans ladiversité, il est nécessaire que les artistes portant ces esthétiques soientimpliqués dans le processus de décision et d’évaluation de l’efficacité de lasubvention apportée à chaque projet. Or, aujourd’hui, la ville de Paris estengluée dans un processus de décision et subventions opaques (structures aidéesà 5 %, à 80 %, etc.).

Said Assaidi directeurdu festival “Au fil des voix »

Jepense que vous ne répondez pas clairement à la question de la diversité. AuQuébec, par exemple, sur 100 euros de subventions accordées au lieuculturel, le pouvoir public demande qu’un certain pourcentage soit consacré àla diversité culturelle (au Québec, les francophones sont un peu en difficultépar rapport aux anglophones). Si la diversité concerne les musiques que l’ondistingue par rapport à la musique classique, il faudrait peut-être un certainde pourcentage d’aides des pouvoirs publics alloué en faveur de ce genre demusique. Il s’agirait en effet d’entrer dans une politique culturelle quireflèterait la réalité de la société actuelle (artistes issus de la diversité,etc.), ce qui n’existe nulle part. Lorsque la question du maintien du budgetest abordée avec les responsables culturels de la municipalité, ceux-ciestiment que le projet sur la diversité est extraordinaire ; cependant,compte tenu de leurs engagements vis-à-vis de tel ou tel lieu (Opéra Garnier,Bastille, etc.), ils ne peuvent pas baisser les budgets d’un lieu pouraugmenter ceux d’un autre.

Jean-Marie Potier coordinateur de« Rezonne », Réseau des musiques actuelles en Essonne, adhérent duRIF

Le secteur des musiques actuelles est complexeet repose à la fois sur le secteur marchand et sur la puissance publique, avecdes structures qui ont des missions d’intérêt général et des structures privéesayant leurs propres initiatives. Au niveau du RIF, nous représentons desstructures de proximité représentant la diversité des initiatives sur leurterritoire. Aujourd’hui, nous accompagnons des artistes qui répètent avec nosmoyens, et qui, demain, pourront être dans le secteur marchand et sur lesgrands médias.

Frank Tenaille

Parrapport aux propos de Said, j’aimerais intervenir sur le budget. Les subventionsallouées à la chanson, aux musiques improvisées, au jazz et aux musiques dumonde représentant huit jours de l’Opéra Bastille, lors de la commissionLatarjet, j’avais demandé à Bernard Latarjet si les citoyens aimant lesmusiques populaires étaient des citoyens de deuxième zone. Cette même questionse pose à Paris et en région, car, concernant la diversité, il existe des choixconcrets qui sont liés à la mondialité et à d’importantes évolutions.

Frédéric Hocquard

Sil’on parle des musiques du monde, le débat se pose en termes de prioritéspubliques. Par ailleurs, la question ne porte pas sur de l’argentsupplémentaire alloué, mais sur les priorités des politiques publiques quiseront menées. Aujourd’hui, pour la candidate PS, les questions posées à Parisconcernent l’art dans l’espace public, la dynamisation territoriale, laquestion métropolitaine, la question de la nuit, et non les questionsd’équipement. Dans ce cadre-là, les questions de musiques du monde doiventprendre un relief différent par rapport à ce qui a pu se passerprécédemment : au regard des équipements existants et par rapport à cesquestions de diversité, comment l’espace parisien est-il valorisé ?

Anne Quentin

Vousn’avez pas répondu à la question des équipements, ni à celle de lavalorisation. Les questions émanant de la salle portent sur l’absence delégitimation de ces musiques.

Frédéric Hocquard

Cesmusiques sont légitimées à partir du moment où la puissance publique met cettequestion en avant par rapport à la diversité de ce qui existe sur l’espaceparisien. A cet égard, peut-être faudrait-il davantage intégrer cette dimension« musique du monde » à la diversité de ce qui existe sur l’espaceparisien. Cela ne se fera pas sur une politique descendante, en créant simplementun lieu « musique du monde » à Paris, car il ne faut pas sanctuariserles espaces.

Frank Tenaille

Vousavez commencé avec l’universalisme jacobin, et j’aimerais conclure sur leslangues minoritaires et régionales, dans lesquels j’inclus le wolof et lebambara en France : le soutien de la diversité des langues pourraitêtre un très bon critère pour soutenir la diversité culturelle.

Olivier Thomas

Le sujet de la mise en place des rythmesscolaires n’a pas été abordé. Il s’agit de l’occasion de faire entrer dans lesécoles la pratique des musiques et des musiques du monde, occasion qui doitêtre saisie par des professionnels. Dans mes propositions municipales, nousenseignerons le Shamisen dans toutes les écoles de Marcoussis, avec unprofessionnel, ce qui prouve que les musiques du monde peuvent être à la portéedes tous petits enfants.

AnneQuentin remercie les participants et les invités.