Le Réseau des musiques du monde

14-15 - « Cultures et migrations » : un débat à Babel Med organisé par le magazine La Scène »

27 mars 2015, Marseille - dock des suds / babel med

Synthèse des échanges réalisée par Zone Franche.
En présence de :
Jean-François Chougnet, Président du MUCEM (Musée des civilisations d’Europe et de Méditerranée) à Marseille.
Marc Hatzfeld, Anthropologue
Fabienne Bidou, Directrice du réseau des musiques du monde : Zone Franche.
Florian Olivères, Coordinateur du +SILO+ à Montpellier
Françoise Atlan, Chanteuse
Modération : Anne Quentin, Journaliste

Depuis des siècles la Méditerranée est un espace de transits et de migrations. Portés par le vent, les bateaux venant de l’Est ont buté sur les terres européennes qui représentent historiquement une terre d’asile privilégiée. La France est une vieille terre d’immigration accueillant les migrants venus de Méditerranée, d’Europe de l’est mais aussi de l’Atlantique.

La question de l’immigration est un sujet extrêmement clivant et sensible et il convient ici de bien définir les termes du débat, ainsi que les intervenants l'ont souligné. Il est également approprié de replacer les différentes politiques publiques françaises vis-à-vis de la migration. Afin d’éviter les amalgames nous présenterons ici quelques chiffres afin de dresser une « photographie » de la situation migratoire enFrance.

I/ Le contexte français.

1. Définitions (Source : INSEE)

Étranger : personne qui réside en France et ne possède pas la nationalité́ française, soit qu’elle possède une autre nationalité (à titre exclusif), soit qu’elle n’en ait aucune (c’est le cas des personnes apatrides).Les personnes de nationalité́ française possédant une autre nationalité́ (ou plusieurs) sont considérées en France comme françaises. Un étranger n’est pas forcément immigré, il peut être né en France (les mineurs notamment). À la différence de celle d’immigré, la qualité́ d’étranger ne perdure pas toujours tout au long de la vie : on peut, sous réserve que la législation en vigueur le permette, devenir français par acquisition.

Immigré : selon la définition adoptée par le Haut Conseil à l’Intégration, un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. Les personnes nées françaises à l’étranger et vivant en France ne sont donc pas comptabilisées.À l’inverse, certains immigrés ont pu devenir français, les autres restant étrangers.Les populations étrangères et immigrées ne se confondent pas totalement : un immigré n’est pas nécessairement étranger et réciproquement, certains étrangers sont nés en France (essentiellement des mineurs). La qualité́ d’immigré est permanente : un individu continue à appartenir à la population immigrée même s’il devient français par acquisition. C’est le pays de naissance, et non la nationalité́ à la naissance, qui définit l’origine géographique d’un immigré.

2. Eléments pour une histoire des politiques migratoires françaises

La République, une et indivisible, universaliste et égalitariste, a longtemps répondu à l’accueil des migrants. Depuis le XIXe siècle l’immigration est principalement venue combler la pénurie de main d’œuvre : « L’immigration est une question économique et la main-d’œuvre étrangère est considérée comme temporairement installée sur le sol français »[[1]](#_ftn1). Tout d’abord la logique en place fut celle de l’assimilation qui consiste à intégrer en ignorant les spécificités culturelles et religieuses renvoyées elles à la sphère privée. Au départ il y a donc cet idéal de la République :« tacher de parler notre langue, de donner à vos enfant des prénoms français, de vous comporter comme nous on se comporte en terme de propreté, de regard, etc. Et tout ira bien ».[[2]](#_ftn2) On peut comprendre la période du début du XXe siècle comme l’héritière directe du processus de colonisation que la France a mené asseyant son pouvoir culturel, politique et économique sur son empire. La dialectique colon/colonisé a marqué d'un certain rapport de la France vis à vis des populations étrangères et il faudra attendre un lent processus de décolonisation pour que les mœurs ainsi que les politiques publiques évoluent dans le sens d’une meilleure prise en compte de la culture de l’ « autre » et par là même d'une meilleure prise en compte de ce qu’est la culture nationale française. Tandis que les immigrés s’adaptent aux codes culturels mis en avant par les institutions françaises, un tournant majeur va avoir lieu en 1982. C’est la publication d’un rapport de FrançoiseGaspard qui va impulser ce nouveau mode de politique migratoire qu’est l’intégration : « On passe de l’hostilité au folklorisme des cultures immigrés, des années 60 à la fascination du pouvoir créateur des cultures métissés, pour finalement voir dans l’action culturelle un vecteur d’intégration »[[3]](#_ftn3). Le rapport plaide pour le « brassage » des populations via une meilleure prise en compte de la notion d’ « inter culturalité ». Les années 80 sont une étape importante car ce sont les années des immigrés dits de deuxième génération, fils de migrants issus des décolonisations et de la politique de regroupement familial insufflant une nouvelle donne sur la question migratoire. Le droit à la différence commence à émerger dans les discours publics et l’intégration se définit alors : « à mi-chemin entre l’assimilation et la conservation des traits culturels »[[4]](#_ftn4). La montée de l’extrême droite à partir de la fin des années 80 va durcir le climat politique français et la question migratoire se politise de plus en plus. En 1989, la création du Haut Conseil à l’intégration va officialiser la ligne politique française comme « la possibilité donnée aux immigrés de vivre dans une société avec leurs différences, sans les exalter »[[5]](#_ftn5).Finalement, le modèle « à la française » à mi chemin entre l’intégration et l’assimilation admet toujours en fond la différence et la nécessité d’adaptation de l’immigré. Nicolas Sarkozy va remettre au goût du jour le terme d’assimilation et placer la question de l’identité nationale au centre du débat national. La montée de l’extrême droite et le climat ambiant français montrent que la migration n’est désormais plus vue sur le plan économique mais apparaît comme une question sociétale de« vivre-ensemble » où le milieu culturel est souvent exclue du débat au profit d’idéologies traditionalistes mettant au centre la question identitaire du « Français de souche ».

3. Un point sur les chiffres

La situation migratoire en France :

« En 2011, la France compte 5,6 millions d’immigrés, soit 8,6 % de la population française ; 2,3 millions sont Français par acquisition et 3,3 millions sont de nationalité étrangère. Le nombre d’étrangers nés en France s’établit en 2011 à 600 000 personnes. Au total, en2011, les 3,9 millions d’étrangers qui résident en France représentent environ6 % de la population. Bien que leur part ait augmenté au cours de la dernière décennie, elle reste inférieure à celle enregistrée en 1931 où en 1982, où elle atteignait 6,5 %. »[[6]](#_ftn6)

Des liens historiques :

« Depuis les années 2000, les flux annuels d’immigrants sont plus faibles en France que dans les autres pays européens les plus peuplés.Cette relative faiblesse, combinée à l’ancienneté́ de l’immigration, place laFrance un peu en deçà̀ de la plupart des pays européens au regard de la part des personnes nées à l’étranger. Il existe très souvent des relations privilégiées entre le pays d’origine des immigrants et le pays d’accueil. Hormis pour leMaroc et la Turquie, les immigrés choisissent principalement comme pays d’accueil celui qui a le lien le plus fort avec son pays d’origine. C’est par exemple le cas de l’Algérie et la France. La quasi totalité́ des immigrés algériens réside en France. »[[7]](#_ftn7)

Une situation inégale :

« Les conditions de vie des descendants d’immigrés, comparées à celles des immigrés et du reste de la population, sont souvent en situation intermédiaire. Par exemple, le taux de pauvreté́ des descendants d’immigrés est de 20 %, celui des immigrés de 37 %, contre 14 % pour les ni immigrés, ni descendants d’immigrés. De même, 28 % des ménages de descendants d’immigrés et 33 % des ménages immigrés vivent en HLM, contre 14 % du reste de la population. Ces différences sont en partie dues au fait qu’en moyenne, les immigrés et leurs descendants n’ont pas le même âge, le même niveau d’éducation ou la même catégorie socioprofessionnelle que le reste de la population. »[[8]](#_ftn8)

Un parcours plus compliqué pour les descendants d’origineafricaine :

« En moyenne, les descendants d’immigrés d’Europe du Sud connaissent des trajectoires d’accès à l’emploi proches de celles des jeunes dont les parents sont eux‐mêmes nés en France. En 2009, cinq ans après leur sortie du système éducatif, 82 % ont un emploi (fonctionnaires ou en CDI pour les trois quarts). En revanche, les descendants d’immigrés d’Afrique sont plus nombreux à rencontrer des difficultés. En 2009, seul 61 % d’entre eux ont un emploi (fonctionnaires ou en CDI pour les deux tiers). Cinq ans après leur sortie du système éducatif l’emploi précaire, le chômage, l’inactivité ou les reprises de formation faute d’emploi, dominent pour ces derniers. A contrario l’emploi stable est devenu la situation majoritaire pour les autres. D’autres indicateurs, comme le nombre de mois passés au chômage, renforcent ce constat de trajectoires souvent plus difficiles pour les descendants d’immigrés d’Afrique. »[[9]](#_ftn9)

II/ Hiérarchisation culturelle et discriminations

1. L’impossible prise en compte des hiérarchies culturelles

La France a historiquement voulu masquer les différences internes à son peuple en les réunissant sous une considération commune. Le concept de nation développé par l’Etat français répond à cette volonté d’indivisibilité. Pour autant cette conception du vivre-ensemble n’a pas complètement empêché la présence d’inégalités et on assiste toujours à des phénomènes de considération différenciée. Les individus issus de l’immigration ont souvent ressentis une déconsidération de leurs cultures de la part des institutions, et, en effet, les migrants ont été perçus longtemps comme une simple force de travail. La question de la discrimination, qu’elle soit positive ou négative, semble contraire aux principes républicains. Pourtant, les migrants, fils de migrants, français ou non, ont souvent revendiqués un accès à l’emploi, au logement, aux prestations sociales qui soit le même que les natifs. La réalité de la vie quotidienne nous montre qu’il existe une hiérarchisation des cultures en France d’autant plus forte lorsque celle ci est institutionnalisée. La culture académique, comme la musique écrite par exemple, est ce qui semble trôner dans cette échelle des valeurs. De plus, on note une supériorité des cultures européennes vis à vis des cultures extra-européennes. Enfin, on remarque une grande dévalorisation des cultures issues des pays à fort potentiel migratoire, pour la France on entend évidemment les cultures africaines. On note des différences de traitement lorsque l’on compare la prise en considération institutionnelle des cultures brésiliennes et celles d’un pays à fort potentiel migratoire comme, par exemple, les cultures algériennes. Ces différences sont perceptible et se base majoritairement sur des ressentis, cependant des outils pourraient nous permettre d’évaluer ces discriminations.Le recours aux statistiques d’origines géographiques est un tabou en France :« ça nous empêche de poser les problèmes et de dire, maintenant, à partir de ça, nommer le problème et de l’identifier, d’avancer ». L’ouverture de l’Etat français à la prise en compte de l’origine géographique comme critère de distinction statistique est un chantier autant juridique qu'idéologique. Il convient tout de même de se méfier des possibles appropriations et instrumentalisations afin que cet outil ne soit pas prompt au repli communautaire, mais bien un réel élément à prendre en considération dans l’optique d’une politique de lutte contre les discriminations.

2. Musiques du monde : les ressentis négatifs des musiciens

Lors des tables ronde organisées par Zone Franche sur la question de la migration beaucoup de musiciens ont exprimés quelques réactions négatives vis à vis de la prise en compte de leurs paroles au niveau institutionnel. Déficit de prise en compte par les politiques publiques, par les organisations de soutien, et une inscription tardive dans le paysage musical français sont pêle-mêle les revendications les plus souvent revenues lors de ces débats. Le manque de reconnaissance s’associe également à une marginalisation des musiciens et relègue leurs formes d'expression à l'underground culturel français. Leurs paroles ne semblent alors utiles que lorsque qu’un conflit identitaire, souvent mis en avant par les personnalités politiques, semble émerger comme lors des révoltes en banlieues en 2005. Bien souvent on ne voit ces hommes que pour ces raisons, comme s’ils étaient les représentants d’une origine définie et qu’ils devaient avoir un discours sur tel ou tel événement lié à leurs pays d’origines. Hors de ces évènements ponctuels les musiciens immigrés ne sont représentés nul part ailleurs, que ce soit au niveau de la presse et plus grave, au niveau des institutions. Finalement ils ne se sentent jamais réellement français alors qu’ils produisent de la valeur et qu’ils partagent ce mode de vie au long de l’année. Il y a une réelle blessure que les musiciens comblent souvent dans leur statut d’intermédiaire via des projets passerelles où ils créent des ponts entre la France et leur pays d’origine ou d’ascendance. Ils peuvent à cet égard être les porte-paroles d’un pays dans lequel il ne sont pas nés ou qu'ils n'ont jamais foulé mais dont on va leur renvoyer discursivement l’appartenance. Pour autant les musiciens doivent être mobiles car c’est inhérent à la création et à la diffusion des cultures. À l’image des problèmes migratoires, la transmission musicale souffre également des barrières que l’on érige aux frontières. La transmission et le métissage musical souffrent également des standards, des genres, qui sont souvent liés à une hiérarchie des valeurs, consciente ou inconsciente, au sein d’un pays donné. Dans ce sens, on se rend compte après débat que les problèmes liés aux migrations se répercutent directement sur ces acteurs et sur leurs productions culturelles.

Les problèmes évoqués sont ressentis également par beaucoup de professionnels de la diffusion en Musique du monde. Étrangement, ces considérations viennent souvent en amont, dans le travail de valorisation et de diffusion car face aux publics ces problèmes se retrouvent souvent balayés.L’altérité culturelle que peut provoquer la rencontre de l’autre, d’une culture différente, est souvent génératrice d’un double processus entre rejet et attirance. Florian Olivères, directeur du +SILO+, a fait part à de nombreuses reprises de cet étrange équilibre entre l’amont et le pendant ainsi que ce rapport particulier du public aux musiques du monde. Selon lui, il est nécessaire que le travail de médiation comble ce que la société renvoie en terme de hiérarchisation des cultures, et de discriminations des cultures minoritaires. Par ce travail de médiation, ainsi que par un travail de terrain en éducation artistique et culturelle on peut lutter contre le « repli sur soi ». Les comportements liés aux discriminations ne sont pas une fatalité en soi et il est nécessaire de rester optimiste quand à l’avenir de la situation culturelle française. Bien entendu il y a des ressentis légitimes, pour autant il y a tout un réseau d’acteurs qui luttent contre ces considérations et il est nécessaire pour les professionnels de continuer à prendre en compte ces retours dans leurs travaux, programmations, médiations, etc. Il en va d’un équilibre culturel fondamental entre la production culturelle, la diffusion et sa réception. De fait un appui institutionnel de ces questions semblent nécessaire afin que la société française évite de tomber dans les travers communautariste au profit d’une réelle politique de vivre-ensemble qui prend en compte les différences et les valorisent.

III/ La prise en compte des identités

Penser de la « multi-appartenance » en sciences sociales :

D’un point de vue théorique et critique, les sciences sociales ont fait beaucoup pour une meilleure prise en compte de la question identitaire. Autour de la table, Marc Hatzfeld, anthropologue, est revenu sur quelques uns des grands concepts qui nous ont donné une clé d’entrée intéressante pour considérer ce qu’est l’identité aujourd’hui.L’ « ethnoscape » de Arjun Appadurai fait parti de ces théories fondatrices de la pensée multiculturelle héritée des mouvements post-coloniaux :« Par ethnoscape, j'entends le paysage formé par les individus qui constituent le monde mouvant dans lequel nous vivons touristes, immigrants, réfugiés, exilés, travailleurs invités et d'autres groupes et individus mouvants constituent un trait essentiel du monde qui semble affecter comme jamais la politique des nations (et celle qu'elles mènent les unes vis-à-vis autres). Il ne s'agit pas de dire qu'il n'existe pas de communautés, de réseaux de parenté, d'amitiés, de travail et de loisir relativement stables, ni de naissance, de résidence et d'autres formes d'affiliation; mais que la chaîne de ces stabilités est partout transpercée par la trame du mouvement humain, à mesure que davantage de personnes et de groupes affrontent les réalités du déplacement par la contrainte ou le fantasme du désir de déplacement. »[[10]](#_ftn10) Cette théoriere pose sur le principe que nous sommes tous ou pratiquement tous fait de plusieurs appartenances. Ce qu’Appadurai entend par appartenance ce n’est pas uniquement notre lieu d’origine, mais également l’ensemble des idées que l’on défend, des codes culturels que l’on s’approprie et même des imaginaires que l’on façonne. L’homme peut ainsi être née dans une région d’Afrique, apprendre les mœurs européennes, partager une certaine conception de la liberté propre à l’ « American way of life » et se revendiquer comme étant hindouiste. La société d’aujourd’hui est faite de tous ces croisements identitaires. Cette théorie d'Appadurai valorise ce qui constitue la richesse identitaire de chaque être humain et remet en question l’essentialisation de l’origine ethnique. De cette filiation théorique que sont les études post-coloniales, on peut également citer la théorie de « l’identité rhizome » d'Édouard Glissant héritée des travaux de Gilles Deleuze et Félix Guattari :« Contrairement à la racine (principale et unique de la carotte par exemple) qui s'enfonce profondément sous la terre, le rhizome est un ensemble de petites racines sans racine principale qui se créent juste sous la surface de la terre et non en profondeur-ainsi se nourrissent les pommes de terre par exemple. Appliquées au concept de l'identité, l'image de la racine évoque toute identité fondée sur l'appartenance ancestrale à une culture, alors que celle du rhizome admet une identité multiple, née non pas du passé mais de relations qui se tissent au présent. Alors que l'identité "racine" est héritée des ancêtres, localisable dans un lieu géographique et une histoire familiale, l'identité "rhizome" reste à se construire au présent. Elle n'admet ni un seul lieu d'origine, ni une histoire familiale précise, elle naît des relations qu'elle crée. Dire que l'identité antillaise est "rhizomique" c'est donc l'opposer radicalement à la conception répandue en Europe de l'identité "racine." »[[11]](#_ftn11) Cette métaphore d'Édouard Glissant n’est pas sans lien avec l’idée de rapprochement entre le concept de Culture et celui d’Agriculture. Finalement ces bases théoriques sont des outils pour approcher le sujet identitaire mais ne sont pas l’unique biais pour parler de ce sujet. Dans cette deuxième partie nous verrons comment un musée comme le MUCEM traite de la question identitaire Méditerranéenne et comment celle-ci mobilise des éléments de langages qu’il convient de maitriser.

Donner à voir des identités complexes : l’exemple duMUCEM

Dans le cadre des expositions qu’il dirige au MUCEM, JeanFrançois Chougne a rencontré beaucoup de difficultés quand à la manière de traiter le sujet identitaire en milieu muséale. Le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée revêt une symbolique forte celui de parler et de représenter la diversité identitaire des civilisations méditerranéenne.Implantée sur le J4, l’un des môles portuaires Marseillais, le MUCEM est construit sur un lieu ayant accueilli diverses vagues d’immigrations aux cours de son histoire. Outre la symbolique portuaire ce lieu d’exposition est né de la crise du Musée des arts et traditions portuaires de Paris. De fait, le MUCEM représente également un certain changement de regard de l’institution française vis à vis de ce qu’elle représente de son pays. Consciemment ou non la création de ce musée porte symboliquement l’idée que l’identité française, instituée par le Ministère de la Culture, prend désormais en compte la dimension pluriculturelle et l’apport des différentes vagues d’immigrations dans la constitution de l’identité collective française. Le projet du musée repose sur la réflexion collective sur ce qui nous ressemble mais également sur ce qui nous divise au sein de l’espace méditerranéen. L’exercice se révèle assez complexe et singulier dans sa mise en place car la Méditerranée est un espace difficilement démontrable, c’est un rêvé, mythifié et protéiforme. Finalement la complexité de définition de la notion d’identité se retrouve également dans la prise de position du musée en tant que représentant d’une certaine manière de voir laMéditerranée dans sa diversité et dans son union. Les expositions du MUCEM sont de fait un ensemble d’événement pluridisciplinaires auxquels l’exposition joue le rôle de clé de voûte. Dans l’exposition « Made In Algeria »co-écrit avec Zahia Rahmani, romancière et responsable du domaine “Art et mondialisation” à l’INHA, la volonté affichée est de « Représenter le traitement et sa fabrique » et finalement de questionner la création du discours produit sur l’Algérie et donc de mettre en abyme le rôle du musée comme représentant de mais également créateur d’un discours. C’est ni plus ni moins de la question coloniale dont traite cette exposition mais également de la manière dont le discours, créé par les colons, tend à créer une réalité partagée par les colonisés. La question coloniale est d’ailleurs peu prise en compte dans le milieu institutionnel français, on notera tout de même dans cette perspective la création du Musée de l’immigration au Palais de la porte dorée à Paris et sa collection permanente « Repère » qui pose d’entrée la question : « Comment représenter deux siècle d’immigration en France ? ». L’un des points de la représentation majeur est la question du discours porté. En effet, le climat français étant assez tendu sur les questions migratoires, ajouté à cela des divergences propres aux différents courants de pensée qui animent la diversité des spectateurs d’un musée, il convient alors de ne pas créer de conflits idéologiques ou de prises de parties. Une anecdote évoquée autour de la table ronde résumait bien cette situation. Lors d’une exposition, l’un des traducteurs a traduit littéralement le mot « harkis » par « traitre », cela a conduit à des controverses fortes liées à une histoire particulièrement douloureuse pour laFrance et l’Algérie et qui a conduit à la fermeture de l’exposition.

La question du traitement de la question migratoire est encore un sujet sensible. Il l’est d’autant pour les institutions pour qui la prise en compte des identités plurielles se fait de manière lente. On note tout de même que le sujet de la migration porte en lui beaucoup d’affects partagés par des individus aux identités plurielles. Il est compliqué dans la forme et dans le fond d’aborder tel ou tel sujet en rapport avec ce que peut être aujourd’hui la France dans toutes les variantes qui la composent.

Bibliographie :

Ministère de l’Intérieur (2014) Les étrangers en France : année 2013, Onzième rapport établi enapplication de l’article L.111-10 du Code de l’entrée et du séjour desétrangers et du droit d’asile, Direction de l’information légale etadministrative, Paris. ISBN : 978-2-11-138565-8

INSEE (2015) « 3.7 : Étrangers – Immigrés »in Tableau de l’économie française - TEF édition 2015, ISBN : 978-2-11-138704-1

MIPEX (2015) France in MIPEX [En ligne] http://www.mipex.eu/France\]\(http://www.mipex.eu/France\)> Consulté leVendredi 22 mai 2015.

FOUTEAU, Caroline (2015) Intégration des immigrés: la Francecrée plus d’obstacles que d’opportunités. Médiapart, 20 mai 2015. [En ligne]..Consulté le 22 mai 2015.

ESCAFRÉ-DUBLET, Angéline (2014) Les politiques culturelleset l’immigration, Paris, La Documentation française.

INSEE (2012) « Immigrés et descendants d’immigrés enFrance », édition 2012 – Dossier de presse [En ligne] http://www.insee.fr/fr/ppp/comm_presse/comm/dossier_presse_complet_web.pdfConsulté le 27 mai 2015.

APPADURAI, Arjun (2005), Après le colonialisme. Lesconséquences culturelles de la globalisation. Petite bibliothèque Payot, Paris.

CHIVALLON, Christine (1997) Identité "racine,"identité "rhizome"? Qu'est-ce que c'est? Identités francophones [Enligne]. http://www.unc.edu/depts/europe/francophone/Creole/creole_fren/introduction7.htm.Consulté le 27 mai 2015.

[[1]](#_ftnref1) ESCAFRÉ-DUBLET,Angéline (2014) p.11

[[2]](#_ftnref2) Extrait de la table ronde « Cultures etmigrations » in Babel Med Music 2015.

[[3]](#_ftnref3) ESCAFRÉ-DUBLET,Angéline (2014), p.

[[4]](#_ftnref4) ESCAFRÉ-DUBLET,Angéline (2014), p.40

[[5]](#_ftnref5) Haut Conseil à l’intégration, Pour un modèle français d’intégration, Paris, La DocumentationFrançaise, 1991, p.18

[[6]](#_ftnref6) INSEE (2015), p.36

[[7]](#_ftnref7) INSEE (2012), fiche n°2.

[[8]](#_ftnref8) INSEE (2012), fiche n°2.

[[9]](#_ftnref9) INSEE (2012), fiche n°5

[[10]](#_ftnref10) APPADURAI, Arjun (2005), p.71

[[11]](#_ftnref11) CHIVALLON, Christine (1997), p.