NAUFRAGES. Au mois d’octobre, le Womex, un des grands salons des musiques du monde auquel Zone Franche participe depuis son origine, se tient à Budapest. Une capitale hongroise devenue espace de confrontation entre deux postures étatiques européennes face à la question migratoire - en l’occurrence, cette fois, des hommes, femmes, enfants, qui fuient l’épouvante en Syrie (1)- : l’une qui prône une bunkerisation de l’Europe, l’autre qui souhaite utiliser le vivier des migrants, réfugiés ou économiques, selon des intérêts qui vont de « l’immigration choisie » à la lutte contre le vieillissement d’une population. Une cruelle métaphore au pays de Bartok qui illustre une réalité vécue par notre réseau : la marchandisation du monde, rythmée par une spéculation sans frontières, va de pair avec un contrôle croissant du flux des hommes et donc de leurs cultures, savoirs, imaginaires. L’extension de l’homo- consummatus se faisant au détriment de la polyphonie des citoyennetés.
A notre échelle professionnelle cette rentrée se fait donc plus que jamais avec un accent mis sur les enjeux de la mobilité internationale. Notre engagement dans divers rendez-vous d’automne (Womex, MaMA, Fira de Manresa, Visa For Music de Rabat, etc.) tout comme notre responsabilité au Comité Visa Artistes, visant l’échange d’expériences mais surtout des perspectives communes pour faire avancer nos plaidoyers en matière de diversité culturelle, eut égard au dialogue Nord-Sud, aux enjeux de la culture en Europe, aux possibles d’une Francophonie ouverte. Des objectifs conformes à une vision qui, à l’encontre des pusillanimités politiques, des naïvetés compassionnelles, des paniques identitaires, prône des relations internationales basées sur le réel des peuples et de leurs histoires, non sur l’imposition de désordres militaires, économiques, écologiques, dont voit les effets à travers ces humains fuyant la guerre ou la faim, et dont le destin du petit Aylan sur une plage de Turquie symbolise jusqu’à la nausée le cynisme politique croisé des criminels et des velléitaires.
Frank Tenaille
Président de Zone Franche
(1) Selon un rapport publié par un groupe de médecins lauréats du prix Nobel de la paix, « La guerre contre le terrorisme » lancée par les États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001 a causé, estimation basse, la mort d’au moins 1,3 million de personnes dans trois pays (Irak, Afghanistan et Pakistan). La guerre en Syrie depuis 5 ans se solde actuellement par 220.000 morts et 20.000 disparus selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme.