Communiqué de presse : Artistes face à la guerre
Publiée le 25/03/2022 dans Zone Franche
Artistes face à la guerre : un devoir d'assistance sans frontières.
Le 25 mars 2022
La guerre est de retour en Europe et avec elle son lot de souffrances, de victimes et de réfugiés, un nouveau drame à notre porte qui engage notre devoir de solidarité et de soutien total à l'égard de toutes celles et ceux qui le subissent. Parmi les victimes et les personnes menacées se trouvent les artistes et la question se pose de savoir comment leur porter assistance, les protéger, leur permettre de continuer à exercer leurs activités de création et de transmission.
Dans le cas de l’Ukraine, les artistes peuvent bénéficier du « Statut européen de protection temporaire ». Un dispositif exceptionnel créé lors de la guerre en ex-Yougoslavie et qui n’avait plus été utilisé depuis. Il leur permet de résider partout dans l’Union européenne pendant un an renouvelable et d’avoir accès au marché du travail, au logement, et à certaines aides (assurances maladie, prestations sociales, allocations de demandeurs d’asile, éducation des enfants). En outre, ils peuvent bénéficier en France du récent Fonds de soutien spécifique du Ministère de la Culture, d'un dispositif d’accueil d’urgence (via l’Atelier des artistes en exil), et de résidences dans les lieux labellisés du programme PAUSE (accueil de scientifiques et d’artistes en exil dans des établissements d’enseignement supérieur et/ou de recherche et des institutions culturelles). Autant de possibilités bienvenues dont nous saluons la rapidité de mise en œuvre, l’engagement et la compétence des personnels impliqués, et l’ampleur des moyens déployés.
Mais si l’on peut se féliciter que des artistes ukrainiens, ukrainiennes et russes dissidents soient à juste titre susceptibles de bénéficier de modalités dérogatoires et de soutiens exceptionnels, pourquoi pas les autres ?
Pourquoi en effet ne pas les étendre à tous les artistes qui fuyant les guerres ou l'oppression des régimes totalitaires sont aujourd'hui réfugiés en France, qu’ils viennent d’Irak, de Syrie, du Yémen, du Mali, ou d’Afghanistan ?
Ainsi les artistes demandeurs d’asile ne peuvent aujourd'hui exercer leur art dès leur arrivée en France et doivent attendre l’issue de l’instruction de leur demande qui peut s’étaler sur plusieurs mois.
De même, pourquoi ne pas assouplir les conditions d’accès et de renouvellement au titre de séjour pour les artistes réfugiés, de toutes nationalités, qui développent leurs carrières en France et ce faisant enrichissent la diversité de notre vie culturelle?
Au delà de la géopolitique actuelle, force aussi est de se demander comment porter assistance aux artistes en danger dans le monde, conformément à la Convention de l’Unesco 2005, dont la France est signataire, qui dans son article 17 plaide en faveur d’une « coopération internationale dans les situations de menace grave contre les expressions culturelles » ? Ce qui est le cas, par exemple, pour les Ouïghours du Xinjiang, victimes d’acculturation et de sinisation à marche forcée, de Pakistanais victimes de talibans qui proscrivant la musique ont assassiné de nombreux artistes, et les femmes artistes sont particulièrement visées.
Notre pays doit être à la hauteur de sa signature la Convention de l'Unesco 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles et s'engager pleinement dans l'accueil des artistes dissidents, quel que soit leur pays d'origine.
En 2016, la France a mis en place le dispositif Passeport-Talent, adapté à l’accueil d’artistes sur notre sol, avec une forte ambition de départ (10 000 prévus en 2016). Un des objectifs étant, par exemple, de proposer 1000 Passeports-Talents par an pour le continent africain à partir de 2017.
Mais si ce dispositif a été salué à sa création comme un outil pertinent malgré des critères parfois contraignants pour son obtention et son renouvellement, les statistiques indiquent qu’il a été très peu utilisé et qu’il ressemble aujourd’hui à un rendez-vous manqué.
Le Passeport-Talent représente un outil diplomatique et humanitaire approprié pour un accueil inconditionnel des artistes des pays en guerre ou dissidents de pays reconnus comme non-sûrs par l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides).
Dans toutes les situations totalitaires, les artistes et en particulier les musiciens/ chanteurs/ danseurs sont extrêmement exposés. Car, dépositaires de l’identité collective de communautés, parfois en divorce par leurs mots et notes avec la doctrine d’un régime, ou simplement trop libres dans leurs expressions et leurs postures, ils représentent des cibles faciles.
Et c’est bien leurs vulnérabilités, leurs valeurs symboliques, qui en font des individus à protéger tout particulièrement compte tenu des dangers qu’ils encourent en des périodes troublées.
Depuis 2009 Zone Franche, le réseau des musiques du monde, coordonne le Comité Visas Artistes et se mobilise dans ce cadre en faveur de la circulation internationale des artistes et de leur accueil en France.
Aussi Zone Franche appelle aujourd’hui les pouvoirs publics, les partenaires professionnels et institutionnels à se mobiliser pour mettre en place des modalités d’accueil identiques pour tous les artistes réfugiés sur le sol français (en exil, demandeur d'asile ou fuyant des zones de guerre) et pour une politique d’accès en urgence aux visas et Passeport-Talents à l’attention des artistes menacés partout dans le monde.
Car face à la guerre, notre devoir d’assistance doit être sans frontières.
Zone Franche, le réseau des musiques du monde
Avec la complicité de Frank Tenaille
contacts
Pierre-Henri Frappat, directeur de Zone Franche
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